Avec son kayak arrimé sur le toit de son van, c’est dans un petit village du Sud-Tyrol, au nord de l’Italie, que nous retrouvons Marlène Devillez, multi-médaillée en kayak extrême et freestyle, aussi hydrogéologue et dessinatrice.
Dans quelques jours, se tiendra ici la « King and Queen of the Alps race », une compétition de haut niveau rassemblant tout le gratin du kayak extrême, à laquelle Marlène et son conjoint Nico, prendront part.
Seulement voilà, il y a un hic : à moins d’une semaine de la compétition, les débits d’eau du Passirio sont insuffisants.
« D’habitude, à l’entrée du rapide, on peut passer sans problème, alors qu’aujourd’hui, il n’y a que 20 cm d’eau, c’est une gravière. Il manque 50 à 60 cm. »
Marlène Devillez
Pour pallier cette insuffisance, les organisateurs de la course ont bien tenté de bloquer certains bras de la rivière afin d’augmenter le débit du chenal principal à l’aide d’une pelleteuse. Mais cette solution, aussi temporaire qu’insuffisante, laisse planer la menace d’une annulation de la course.
Telle une mise en exergue de notre sujet, nous nous retrouvons témoins d’une compétition dont la tenue est compromise. En sursis, face à un hiver trop doux, où la neige s’est faite rare.
« Le changement est vraiment là, sur nos rivières, et il impacte notre sport de manière extrême. »
Marlène Devillez
Marlène Devillez a construit toute sa vie autour de l’eau. Elle étudie les nappes phréatiques, dessine les cours d’eau, les descend en kayak. Elle et son compagnon ont même choisi de s’installer en Norvège, là où l’eau continue de couler en abondance, pour pratiquer leur sport, plutôt que de forcer une pratique, là où elle n’est déjà plus adaptée.
Alors, quand cette dernière nous a mentionné son passage dans la région italienne pour une compétition, nous avons sauté sur l’occasion pour aller à sa rencontre.
Pour compléter son témoignage et mieux comprendre les enjeux systémiques liés à cette ressource, nous nous sommes également entretenus avec l’hydrologue Emma Haziza, spécialiste reconnue des risques liés au cycle de l’eau et au changement climatique.
« On a toujours eu cette vision de la cigale et la fourmis ou on pourrait entasser de l’eau tout l’hiver pour en avoir tout l’été, sauf que ça ne marche plus. Il suffit qu’il y ait une canicule pendant trois semaines pour qu’on rebascule dans une situation bien pire »
Emma Haziza
Au moment de notre départ, un orage est sur le point d’éclater. Il semble que la météo soit du côté des organisateur·ices et des athlètes. Les prochains jours s’annoncent pluvieux. Cette année encore, la « King and Queen of the Alps race » aura bien lieu, mais la question qui demeure reste : jusqu’à quand ?
Cet épisode est possible grâce au soutien du Ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie Associative, merci à eux.
On vous souhaite une bonne écoute.
Empreinte carbone
Sources et références
Le film de Marlène Devillez et Nicolas Caussanel, Rivières, les sentinelles du changement climatique.
Le site internet d’Emma Haziza.
Le PNACC sport, du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Les chiffres sur l’hydro-électricité en France.
L’interview Reste-t-il des rivières sauvages en France ? (Reporterre).
Le reportage Castors, cormorans… Le dernier tronçon sauvage du Rhône bientôt détruit ? (Reporterre).
Notre interview avec Diego Landivar Pour une redirection écologique des piscines municipales (Vent Debout).
Le dossier Mégabassines, la guerre de l’eau, (Médiapart).
Sécheresse : quelle quantité d’eau consomment les terrains de golf en France ? (La Croix).
Un projet de surf park à 250m de l’océan menace 14 espèces protégées (La Relève et la Peste).
Neige artificielle illégale : une amende de 130 000 euros pour La Clusaz (Reporterre).
Eau du média La Relève et la peste.
C’est l’eau qu’on assassine du journaliste Fabrice Nicolino.
L’étude sur l’eau potable de l’ANSES
Les actions de Wild Legal pour les rivières sauvages
Le site internet des Soulèvements de la Terre.